La Tôei, prison des esprits déliés, fossoyeur de la création. Derrière une pléthore de productions, la qualité suffoque, les talents s'estompent, les génies souffrent. Miyazaki baigne dans ce climat où l'excellence est impensable. Mais son tempérament souverain tend à s'élever : la recherche des honneurs débute. Avec elle les premières influences réelles, avec elle le Roi et l'Oiseau et la Reine des Neiges. Le jeune homme conteste l'ordre au nom de l'art : la fougue se mêle bientôt au vécu d'un vieux maître. Quelques essais, flamboyants déjà, annoncent la venue d'un génie.
Son diplôme d'intervalliste empoché, Miyazaki travaille sur le film Wanwan Chushingura, d'un visuel jovial et enfantin. Les couleurs sont souvent joyeuses et peu appuyées, quelques séquences, impétueuses et graves, se démarquent. La réalisation achevée, il grossit l'équipe de la première série de la Tôei, Ôkami-shônen Ken : Tezuka fait s'agiter les révoltes et bouillir une prodigieuse aptitude au travail. Avec Astroy Boy, première série animée, il définit tout un format et prépare son triomphe. Oeuvre laborieuse où le studio fut englouti, où chaque animateur a pétri quelques scènes, où tous se sont hâtés et bousculés, Shônen Ken fut nourri par une rivalité profonde. Isao Takahata y éprouvera ses talents dans la mise en scène, pour quelques épisodes.
Egaré dans la Tôei, écrasé par tant d'agitations et d'immensité, Miyazaki embrasse les rêves de grandeur et de prestige, l'appétit naissant pour la renommée. Il tient à immerger, intègre le syndicat : « Il a été chaleureusement accueilli au syndicat du studio. C'était une jeune recrue » témoigne Isao Takahata, secrétaire adjoint du groupe. La rencontre avec ce dernier inaugure une longue et fructueuse amitié. Il est séduit par Ôtsuka, fossile de la profession, et fait la connaissance d'Akemi Ota, sa future moitié. Le syndicat est un atelier d'artisans : tous désirent donner aux films pour enfants des abondances, des envergures et des forces, leur offrir une vraie portée.
A cette période, Miyazaki fait une découverte majeure : le Roi et l'Oiseau de Paul Grimault et Jacques Prévert est une révélation. Les tableaux s'y animent, les lions y dansent, y chantent, y pleurent et s'y lamentent, un ramoneur hâlé et une douce bergère se rencontrent, s'éprennent et s'enfuient, pour échapper à la tyranie du roi de Takicardie. En un passage de pinceau, le Roi et l'Oiseau brosse tout l'univers de son auteur, tout un art de grimaces et de gestes, tout un riche et puissant pittoresque. Les influences se ressentiront dans de nombreux clins d'oeil, hommages et inspirations qui émaillent ses oeuvres. De multiples et minutieux visionnages, une étude attentive du découpage : Miyazaki analyse les séquences et les détails, en vit l'ambiance, s'en imprègne. Le Roi et l'Oiseau est une immersion absolue pour un esprit d'examen et de curiosité.
Une mésintelligence survient à la Tôei, entre quelques poignées de mécontents et les dirigeants : les travailleurs soulignent de médiocres appointements. La compagnie se scinde et Miyazaki se fait le chef des insurgés. Les hautes sphères plient l'échine après négociations, après une torpeur imposée, ces fameux "lock-out". Le trouble cesse, pour un temps. D'autres grondements secoueront la Tôei ; soumise au poids des vociférations, l'atmosphère devient pesante et froide.
En 1965, assigné au projet Shônen ninja Kaze no Fujimaru, le maître oeuvre également sur le film Gariba no Uchu Ryoko, relatant avec plein de légèreté un voyage imaginaire de Gulliver : à bord d'une fusée pittoresque, entouré d'un équipage excentrique, il sillonne l'espace. On retiendra quelques scènes truffées d'humour. L'univers de Jonathan Swift inspire bientôt Laputa... Miyazaki effectue des croquis pour la série Hassuru Panchi, où son collègue Takahata participe au générique conclusif.
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